La Chebba, quel futur pour notre collectivité locale ?

I. Un contexte géographique et historique d’une très grande richesse
La Chebba est une ville côtière du Sahel tunisien. Son territoire communal occupe une position géographique, constituant l’ouverture sur la mer des zones agricoles du centre et de l’est du pays. Sa localisation stratégique a conduit l’homme à s’y installer depuis les temps anciens et à y exercer des activités halieutiques, agricoles, commerciales et culturelles. Une bonne illustration de cela est la mosaïque ” Le Triomphe de Neptune” qui a été découverte en 1904 non loin du phare “Borj Khadija”. Actuellement exposée au Musée du Bardo, la mosaïque du IIème siècle ap. J.C constitue un vrai chef d’œuvre immortalisant la diversité des activités humaines de l’époque ainsi que l’interaction de l’artiste local pendant ces temps avec son environnement, faisant preuve de créativité et de singularité.
Parler de la Chebba passe inévitablement par le symbole de la ville ; le phare “Borj Khadija”, monument historique datant de l’époque byzantine et reconstruit pendant l’ère aghlabide. Phare-symbole d’où les chebbiens tirent leurs origines gardant en mémoire le rayonnement de leur ville, berceau des civilisations qui se sont succédé dans la région, ce qui constitue un riche patrimoine historique source de fierté pour tout Chebbien.
La Chebba est avant tout 30000 habitants connus par leur attachement à leur terre, qui à son tour marque les traits de personnalité de chaque Chebbien, qu’on peut qualifier comme étant un individu fier et orgueilleux, ouverts d’esprit mais aussi très entraîné dans la politique et osant se montrer critique à l’égard du pouvoir. Ceci explique bien comment une liste de l’opposition avait pu remporter les élections municipales de 1990 démontrant son insoumission à la dictature de l’époque. Événement insolite qui a été relayé par plusieurs médias internationaux.
À l’instar de ses ancêtres, le Chebbien est un fervent patriote et lorsque l’intérêt suprême s’en fait sentir il répond avec empressement à l’appel du devoir. A cet effet il convient de citer la mobilisation guidée par Sidi Ahmed Ibn Makhlouf Chebbi (1431-1492), ancêtre du poète national de Tunisie “Abou el Kacem Chebbi” et fondateur du mouvement “Echabbia”, faisant face lors de la décadence de la dynastie hafside aux envahisseurs Espagnols et Ottomans. Par ailleurs la contribution remarquable des Chebbiens à la lutte contre le colonisateur et leur engagement volontaire à la guerre de Palestine sont des preuves tangibles de leur dévouement à la nation. Militantisme, bénévolat et travail associatif sont des valeurs avérées chez les Chebbiens, et cela se manifeste par le nombre très important d’associations actives dans les domaines culturel, environnemental, sportif et social.
Déjà vers la fin de l’année 1955 et pour venir en aide aux élèves nécessiteux surtout ceux qui poursuivaient leurs études en dehors de la ville on a eu l’idée de créer “l’Association de l’Essor de l’Etudiant Chebbien”, qui a eu sur des générations un grand impact sur l’instruction, la sensibilisation et l’éducation des jeunes de la ville.
En 1961 il y a eu la fondation d’une deuxième association, le Croissant Sportif Chebbien qui, pour la première fois de son histoire, a évolué pendant la saison 2019-2020 en ligue 1 de football professionnel. Des résultats très honorables ont été réalisés et applaudis par tous les fans du football. Malheureusement la fédération Tunisienne de Football avait un autre avis et à cause de quelques statuts sur Facebook, a pris la décision injuste de geler l’association. En signe de protestation contre la suspension de leur équipe de football, les supporters du Hilal ont manifesté pendant des mois exprimant leur refus catégorique d’une telle décision. L’affaire a soulevé beaucoup de débats et l’équipe est restée inactive pendant toute la saison 2020-2021 attendant le verdict de la TAS, qui nous l’espérons bien, donnera raison à notre équipe.
La Chebba est aujourd’hui fière de son passé, en harmonie avec le présent et ouverte sur l’avenir. En tant que commune elle a été créée par le décret n° 112 du 09 janvier 1957. Initialement rattachée au gouvernorat de Sfax, elle a, en 1974, lors de la création du gouvernorat de Mahdia, été annexée à ce dernier.
II. Des performances sociétales mitigées pour beaucoup de secteurs
• Alimentation
Actuellement et après son élargissement, la superficie de la commune couvre 13 000 hectares, dont 11 000 sont essentiellement des oliviers en sec, dont la production et transformée et valorisée hors du territoire. La ville possède par ailleurs le deuxième plus important port de pêche du pays, grâce à sa situation maritime exceptionnelle, à l’intersection de la zone de pêche de poisson bleu (au nord de Mahdia) et de la zone de pêche de poisson blanc (au sud vers Sfax). Avec 800 unités, sa flotte assure près de 70 % de la production du gouvernorat et crée 3 500 emplois. La récente législation sanitaire a imposé une réduction du potentiel de ce secteur et une restructuration complète de la zone portuaire, qui devrait prochainement prévoir la reconversion exclusive du quai et l’accès au bâtiment du marché (à restaurer aussi).
Aujourd’hui, toutes les maisons disposent de l’électricité, mais la puissance fournie par la STEG n’est pas en mesure de répondre aux besoins, en particulier en été. La ville n’a pas encore été connectée au réseau de distribution du gaz.
• Santé et Hygiène
Il existe également un hôpital et cinq centres de santé. Une zone boisée de pins marins s’étend sur le front côtier nord: un joyau écologique qui jouit d’une protection de l’environnement et dont la population est un gardien jaloux. La Chebba a reçu à plusieurs reprises le label “drapeau bleu” pour la gestion environnementale et le contrôle de la qualité de ses eaux. Malheureusement, la collecte des déchets pose un défi de plus en plus important pour les services municipaux, surtout l’été.
• Education et Culture
En outre, il s’agit d’un important centre de services éducatifs et culturels, comprenant dix écoles primaires, quatre lycées, un centre culturel, trois terrains de sport et un centre national de stage pour la jeunesse…
• Tourisme
De plus, grâce à sa position principalement sur le front de mer et ses plages de sable fin, la Chebba est une destination touristique (en particulier pour les habitants des régions méridionales de la Tunisie) où il est prévu de mettre en place un projet touristique important sans pour autant omettre la fragilité de son “écosystème”.
III. Les défis à relever pour les prochaines décennies
• Alimentation
1. Une centrale photo-électrique et une station de dessalement d’eau sont des urgences au vu des niveaux de déficit énergétique et de disponibilité d’eau notamment pour l’irrigation des cultures et pour augmenter la production sectorielle en vue de sa valorisation optimale.
2. Le marché de gros aux poissons nécessite une réhabilitation totale pour répondre aux normes exigées par le règlement sanitaire. D’autre part, beaucoup d’efforts devraient être fournis pour lutter contre la pêche illégale et sauvegarder les ressources halieutiques de la région.
• Santé et Hygiène
3. Décharge publique à ciel ouvert non contrôlée, située à 3 Km du centre-ville et non loin du rivage, la décharge publique représente une menace sur l’environnement dans toutes ses dimensions. La collecte des déchets se fait de façon traditionnelle sans aucun tri ni collecte sélective.
4. Dépenses excessives pour l’éclairage public d’environ 500 000 dinars par an, ce qui constitue une lourde charge pesant sur le budget de la commune. La solution idéale pour abaisser la facture de la consommation d’électricité pourrait être l’adoption des lampes LED.
5. L’érosion côtière menace nos côtes en majorité sablonneuses. Pour protéger certaines plages contre l’érosion et fixer les dunes de sable, des ganivelles ont été installées mais celles-ci doivent être renouvelées périodiquement.
6. Présence d’une “forêt” d’environ 700 hectares : Cette forêt a été plantée dans les années soixante et avait pour but de protéger les agglomérations adjacentes des mouvements de sable. Une action permanente pour la conserver et la protéger est indispensable, aussi sa valorisation nécessite la mobilisation de la population et en particulier les jeunes pour des activités forestières …
• Education et Culture
7. Le taux de chômage est globalement de l’ordre de 10,9% et parmi les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur 28% sont sans occupation. Il faut penser à la formation professionnelle et à trouver une solution pour débuter les travaux d’aménagement de la zone industrielle dans les meilleurs délais.
• Tourisme
8. La Chebba est une destination favorite pour le tourisme interne. Ses belles plages attirent un flux considérable de visiteurs en été, ce qui rend la tâche de la propreté pendant la saison estivale encore difficile à assurer. La Chebba n’est pas classée commune touristique et ne bénéficie à cet effet d’aucune aide. Inexistence de programmes à l’échelle locale pour promouvoir le patrimoine historique et culturel. Le projet de la zone touristique “Ghedabna” demeure en attente de lancement depuis maintenant plus d’une décennie. Le rêve partagé de nos concitoyens est la considération de la collectivité locale comme une destination de tourisme écologique.
IV. Stratégie d’intervention
Notre objectif consiste à surmonter les défis ci-dessus énumérés, par l’exploitation à bon escient des potentialités que possède notre collectivité locale. A cet effet la démarche préconisée serait la suivante :
1. Conduire une action concertée avec l’implication des acteurs de la société civile pour définir une vision territoriale et urbaine permettant aux différentes parties prenantes de se projeter ensemble et d’agir vers un but commun, résolvant les problématiques énumérées.
2. L’étape qui suit comprendra l’élaboration d’un plan d’action avec des projets de tailles différentes.
3. La constitution de dossier détaillé pour chaque projet permettrait une visibilité auprès des investisseurs et créerait des opportunités d’entrepreneuriat et d’emploi particulièrement parmi les jeunes.
Nota :
Texte, élaboré en collaboration avec les experts de l’Association Tunisian Smart Cities, pour servir en tant que document initial pour la construction d’une vision territoriale et urbaine pour notre région communale.

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